«Protéger ce qui n’existe pas encore»

Les bonnes nouvelles s’enchaînent pour H55 en ce début d’année. La start-up sédunoise poursuit son objectif d’électrifier l’aviation avec ses systèmes de propulsion propres après l’annonce d’une levée de fond réussie et la commercialisation d’un avion électrique. Un sans-faute pour cette entreprise romande qui a fait de sa stratégie de protection intellectuelle l’un des principaux piliers de son développement. Rencontre avec Gregory Blatt, l’un des co-fondateurs de H55.

C’est dans une immense halle de l’aéroport militaire de Sion que la société H55 a installé ses laboratoires. Cette spin-off de Solar Impulse, fondée en 2017, s’est installée en Suisse pour continuer de révolutionner l’industrie aéronautique grâce à ses technologies pionnières en matière de propulsion aéronautique. «La Suisse est notre pays d’origine, précise d’emblée Gregory Blatt, l’un des co-fondateurs de H55, et il nous offre aussi l’écosystème dont nous avons besoin: une volonté des autorités de positionner notre pays comme un leader de l’aviation propre, des compétences en ingénierie et un esprit d’innovation.» Chaque matin, ce sont donc près de 200 ingénieurs qui se rendent dans le campus sédunois avec l’objectif d’un jour décarboner le secteur aérien.

Protéger la technologie

Mais développer une technologie disruptive capable de changer notre monde est une entreprise longue et complexe qui demande d’énormes ressources et une stratégie de protection intellectuelle appropriée. «Nous avons besoin d’investissements et de temps» fait remarquer Gregory Blatt. «Nous venons de lever 45 millions de francs pour construire une usine au Canada et ouvrir une filiale à Toulouse, au cœur de l’aéronautique européen. Et quand vous créez ce qui n’existe pas encore, vous devez absolument protéger votre savoir, car c’est cela qui a de la valeur et qui intéresse les investisseurs.»
Breveter ses découvertes pour ensuite compléter son équipe et renforcer sa capacité de production fait partie de la stratégie de H55 depuis les premiers jours. «Nous sommes en discussion permanente avec nos ingénieurs et P&TS pour savoir ce que nous devons protéger» précise encore Gregory Blatt.

Leader international

Les batteries de H55 sont désormais reconnues dans le monde de l’aviation électrique. L’Agence européenne pour la sécurité aérienne (EASA) vient d’ailleurs d’approuver une série de tests qui seront réalisés ces prochains mois. «Notre principal objectif pour 2024 est la certification définitive de notre technologie auprès des autorités pour l’ensemble du système de propulsion électrique» poursuit Gregory Blatt. Une étape cruciale en vue de l’industrialisation des moteurs électriques. D’ailleurs, H55 est aujourd’hui la seule entreprise à satisfaire à toutes ces exigences. Un avantage que l’entreprise suisse compte bien conserver en accentuant sa collaboration avec la petite aviation. Voler entre Genève et New York en avion 100% électrique n’est pas encore pour demain, mais réserver des vols régionaux jusqu’à 2’000 kilomètres sera possible plus vite que ce que l’on pense.

Intéressé par l’impossible

Passionné, enthousiaste et excellent communicateur, Gregory Blatt s’enflamme quand il évoque les prochaines étapes qui attendent H55 et les possibilités offertes par une aviation durable. «La préservation de l’environnement est une opportunité, pas une contrainte» glisse-t-il avant d’affirmer que «les moteurs électriques ouvrent également de nouvelles perspectives, car ils sont moins chers et plus faciles à entretenir que les moteurs thermiques.» Bertrand Piccard et André Borschberg l’avaient convaincu de rejoindre Solar Impulse pour «réaliser l’impossible». Il semble bien, quelques années plus tard, qu’avec H55, Gregory Blatt soit en effet sur le point de rendre possible ce qui était difficile à imaginer il y a encore quelques années.

5 questions à Gregory Blatt

Pourquoi votre entreprise se nomme H55 ?

G.B : Parce que notre premier atelier se trouvait dans le hangar 55.

À quoi pensez-vous quand vous volez ?

G.B : La dernière fois que j’ai volé avec un avion équipé par nos systèmes de propulsion, j’ai été émerveillé par le calme. C’est incroyable comme c’était silencieux !

Quelle qualité appréciez-vous chez les gens ?

G.B : L’empathie. Comprendre et ressentir ce que les autres vivent est essentiel pour établir des relations authentiques.

Quel est votre rêve le plus fou pour H55 ?

G.B : Je rêve de voir H55 devenir un leader mondial dans le développement de technologies aéronautiques durables et je crois fermement en la capacité d’innovation des femmes et des hommes d’aujourd’hui.

Un adjectif qui vous caractérise ?

G.B : Curieux.

André Borschberg during one of the first public presentations of the H55 project, at the Théâtre du Passage for the 20th anniversary of P&TS (2019)